L’Architecture d’aujourd’hui, n° 372
RECYCLER.
Chaque Européen produit environ 3,5 tonnes de déchets par an. Malgré tous les efforts en matière de gestion des matières premières, la quantité de déchets ne cesse de croître au même rythme que la consommation des ménages. Depuis le début du nouveau millénaire, les pays membres de la Communauté européenne déclarent vouloir découpler les deux courbes, à présent fatalement associées : celle de la croissance économique et celle de l’augmentation des déchets. Actuellement, la Commission finance une étude au titre ambitieux : End of Waste (La Fin des déchets. Ce titre encourageant pointe la longueur du chemin mais on se heurte à un premier écueil : qu’est-ce qu’un déchet ? Le terme désigne l’élimination de substances dont personne ne se déclare propriétaire. Incinérées ou enfouies, ces substances sont dans l’absolu vouées à disparaître ; dans la réalité, elles polluent l’air et contaminent les sols.
Si le secteur du BTP (travaux publics, constructions et démolitions) produit essentiellement des déchets inertes, non toxiques, il impressionne par le volume de ses rebuts qui, pour la seule France, représente 310 millions de tonnes par an. Ce chiffre risque d’augmenter avec les fluctuations du secteur immobilier, avec le changement rapide des affectations commerciales et avec la rénovation urbaine des grands ensembles.
Dans toute leur diversité, les exemples, réunis ici, émanent d’un même état d’esprit. Ils cherchent à reconsidérer les déchets en tant que matériaux de seconde main. Ils intègrent la notion du cycle de vie et l’appliquent aux produits et aux édifices. Ils soulèvent la question d’un démantèlement des structures et du réemploi intelligent de leurs composants. Si non seulement les bâtiments mais aussi leurs parties constructives étaient conçus en amont de façon à faciliter un premier, puis un second, voire un troisième usage, les matériaux et l’énergie initialement investis trouveraient un meilleur rendement. En s’associant davantage aux systèmes de recyclage, le monde de l’architecture pourrait fournir la preuve que les exigences environnementales et économiques sont compatibles.
Il ne se passe plus un jour sans que ne soient montrées des images d’architectures en projet ou réalisées frappées de déformations extravagantes qui s’adonnent aux joies des biais, des obliques, des surplombs vertigineux, des mises en abîme, du vertige et de l’ornement. Architectures en folie, du moins si l’on se réfère à la vision la plus étriquée et la plus médiocre des idéaux modernes. Ce qui a paru un temps feu de paille n’en finit pas de brûler. Nouveau chapitre de l’histoire de l’architecture, effet de mode aussi, auxquels nous consacrons ce Dossier « Déformations ». Avec un retour sur les sources de ce mouvement qui ne se revendique pas comme tel, sur les raisons de son essor et ses effets à terme.
Comme à l’accoutumée, le Dossier est entouré d’une foison d’informations et d’actualités : expositions Sanaa à Bordeaux, Jensen & Skodvin à Paris, présentation des Instituts de réadaptation et d’ergothérapie à Nancy, du Scriptorial du Mont Saint-Michel, du parcours de Siza au Thoronet ; analyses de la Monumenta d’Anselm Kiefer au Grand Palais, et de l’événement Estuaire à Nantes-Saint-Nazaire. Et encore les rubriques fournies du Design et de Mise en œuvre. Un numéro d’une particulière densité.